Découverte du Kyusho Jitsu

Emmanuel Humbert, licencié au club, fraîchement nommé 3ème dan depuis la saison dernière souhaite découvrir l’univers du Kyusho, il vient nous partager sa première expérience, merci à lui !

10 octobre 2021, Saint-Herblain près de Nantes

Ça faisait un moment que le Kyusho Jitsu, l’art des points de pression, me faisait de l’œil. Outre les vidéos sur internet où l’on y voit des KO spectaculaires, c’est plutôt l’aspect recherche et compréhension du corps qui m’intéressait. C’est pourquoi au lieu de m’orienter vers un stage où l’on apprend quelques points sans plus d’explication, j’ai contacté Kyusho France qui propose une formation pour le 1er dan. Celui-ci se compose de quatre modules sur une journée et d’un passage de grade.

La formation commence en fait en 2022 et je suis arrivé pour le dernier module de 2021. Les autres participants avaient donc tous au minimum l’expérience des trois autres modules voire bien plus puisque certains étaient en train de passer leur 3ème dan. Ils venaient de différentes disciplines : quelques-uns du karaté, d’autres du Jiu-Jitsu, du Judo, du Taï-Jitsu (qui est en fait similaire au karaté Jutsu, c’est-à-dire au karaté avec projections), de l’aïkijutsu (aïkido avec atemis) et du Penchak Silat. J’avais peur d’être perdu pendant la journée mais en lisant quelques documents la semaine précédente et grâce aux explications des autres participants, j’ai pu suivre correctement. Je dirais même que cela m’a permis de voir les finalités de la formation avec une vision plus globale de l’ensemble des 4 modules et je suis finalement content d’y être allé à ce moment. Je ferai les trois autres modules début 2022. La formation était encadrée par Roland Chassan, 3ème en partant de la droite devant sur la photo.

Je dois dire que j’avais une certaine appréhension. Quelques participants, qui avaient déjà pratiqué la veille, étaient déjà bien épuisés et dans une formation où l’on apprend la manière de mettre KO, je n’étais pas complètement serein. De plus, dans le vestiaire, on m’a dit : « il faut éviter de venir tout seul, le soir on est très fatigués quand on a pris des coups toute la journée et c’est dur de conduire pour repartir». Je savais qu’il y avait beaucoup de théorie et j’espérais qu’on travaille le matin sur la théorie et l’après-midi sur la pratique. Évidemment, cela ne s’est pas passé comme prévu : dès 9h du matin, on nous a montré un point de pression et immédiatement après, mise en pratique. On est très vite dans le bain. En fait, le type dans le vestiaire n’avait pas exagéré : on prend des coups toute la journée. La question qui doit vous brûler les lèvres : y a-t-il eu des KO, puisque c’est l’un des buts du Kyusho ? Oui il y en a eu au bas mot une dizaine, le mien y compris. En me lisant, vous devez vous dire que c’est un truc de fous. En fait, je vais préciser les choses.

Qu’est-ce qu’un KO ? C’est un moment où l’on perd ses repères, où l’on perd l’équilibre, où l’on a la tête qui tourne. Le mien était très léger puisque je suis resté debout (d’autres sont allés au sol). Il peut arriver que l’on tombe sans pouvoir se relever et dans les cas les plus sérieux que l’on soit un moment inconscient mais la consigne d’entraînement est d’éviter à tout prix que cela arrive. Je dois dire que ça fait un peu peur au début mais ce n’est sans doute pas si marquant qu’on pourrait le penser. En ce qui concerne le mien, je dirais que c’est un peu comme prendre un ballon de foot sur la tête par surprise. On est très désorientés (c’est justement dû au fait que l’on frappe sur un point de pression), ce n’est pas agréable mais la douleur est loin d’être insupportable. Ça n’arrive qu’une fois ou deux dans la journée mais le reste du temps, ce sont des petits coups qui permettent de sentir l’effet d’un point de pression. Par ailleurs, Roland Chassan connaît vraiment son domaine et on ne se sent pas en danger. On nous enseigne parallèlement les kuatsus, des mouvements qui permettent de rétablir l’énergie (pour employer le vocabulaire du Kyusho) et finalement, on se sent bien la minute suivante, même pour les KO plus lourds. D’ailleurs, dans le passage du 1er dan, l’une des épreuves est d’infliger un KO à son partenaire puis évidemment d’inverser les rôles… Bref, on a un peu d’appréhension au début de la journée, mais on prend confiance et c’est beaucoup mieux en fin de journée. Par contre, à la longue, c’est épuisant et pour être honnête, je suis bien content de ne pas pratiquer deux jours de suite.

Venons-en maintenant au travail lui-même. Si comme je le pensais au début, vous vous imaginez que quatre jours de formation peuvent amener à un niveau de 1er dan, je vous arrête tout de suite, c’est faux. Ces quatre jours donnent les clés pour s’entraîner au quotidien. Tous les gens qui étaient présents s’entraînent chaque semaine. Je sais maintenant ce que je dois apprendre et travailler pour progresser, avec quels documents mais en aucun cas, je ne pourrai me contenter de ces quatre jours de formation si je veux progresser. Il y a énormément de choses à savoir : sur la journée d’hier, nous avons étudié une quarantaine de points de pression, comment les frapper, les utiliser pour faire des clés (on parle d’ailleurs de Tuité Jitsu lorsqu’on utilise les points de pression pour augmenter l’efficacité des clés, le Kuysho étant plus axé sur les frappes), comment les enchaîner, dans quel ordre. Il y a tout un vocabulaire qui utilise la nomenclature de la médecine traditionnelle chinoise. Un point de pression très utilisé pour les KO est par exemple VB 20 qui signifie le 20ème point du méridien de la vésicule biliaire. Chaque méridien a une polarité (Yin/Yang), est associé à un élément (Feu, Métal, Bois, Terre, Eau) et il en faut en tenir compte dans le travail que l’on fait. S’ajoutent à cela toutes les techniques de régénération d’énergie, qui permettent de « soigner » un KO ou une fatigue due aux frappes répétées. Nous avons travaillé toute la fin de journée sur ces techniques, qui contrairement à ce qu’on pense, ne sont pas bien agréables non plus. Il y a donc un gros travail théorique à faire en plus de la pratique.

Là où les choses deviennent passionnantes pour un karatéka, c’est qu’à aucun moment on n’oublie que ces points doivent être utilisés en situation réelle, même si à mon niveau, on travaille essentiellement en statique. Pour chaque exercice, on retrouve une application en bunkai, ou sur une saisie, un coup. On va vu des applications dans Jion, Tekki Shodan, Heian Shodan, Heian Nidan, Bassai, Hangetsu, et j’en oublie. On voit ainsi des explications nouvelles et réalistes des katas. En fait, c’est même, si j’ai bien compris, l’un des buts principaux du 1er dan : être capable des réaliser des enchaînements de Kyusho Jitsu dans le cadre de sa discipline, en créant ses propres bunkais. C’est assez troublant parce que non seulement certains mouvements compliqués de certains katas y trouvent une explication naturelle (par exemple, les mains l’une sur l’autre au début de Tekki Shodan), mais aussi parce que les positions des katas sont associées elles-aussi à un élément et une polarité et que tout s’imbrique parfaitement avec ce  qu’on apprend en Kyusho.

En conclusion, j’ai trouvé la formation passionnante. Roland Chassan sait ce qu’il fait : on ne se sent pas en danger malgré la sensation d’efficacité qu’il dégage. Il a une énorme culture sur le sujet qu’il sait faire passer. Il encourage véritablement les gens à utiliser le Kyusho comme un enrichissement de leur discipline. L’esprit des participants est bon : on est dans la recherche et dans l’entraide et en aucun cas dans la bataille d’ego entre les différents arts martiaux. Je suis donc très satisfait de cette première journée. La suite dans quelques mois !!

Emmanuel.

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